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Exodes, on a encore cassé la Terre

Quand des éditeurs font des soldes numériques, ça permet d’acheter des bouquins un peu au pif sans trop se mouiller, d’aller vers des genres dont on est pas spécialement fan, de sortir un peu de sa zone de confort littéraire et de tenter des choses à moindre frais. C’est dans ce cadre-là que j’ai acheté Exodes de Jean-Marc Ligny, récemment passé en promo au début de l’été.

Ce livre nous présente un avenir où toutes les prévisions de réchauffement climatique catastrophique se sont plus ou moins réalisées, les pôles ont fondu, le niveau de l’eau monte, la température aussi. La terre est balayée par des tempêtes, l’Europe est quasi-désertique et la vie à l’extérieur est un combat de tous les instants. On apprend que ces changements de température ont provoqué une migration massive vers les pays du nord, aboutissant à ce que le livre appelle les guerres d’immigration. Quelques élites se sont réfugiées dans des villes protégées par des dômes, appelées « enclaves », et en contrôlent l’accès de manière à n’accueillir que les riches, les scientifiques ou quiconque pouvant servir la communauté, mais laissent à la porte 98% des demandeurs d’asile.

Dans ce contexte, nous allons suivre différents personnages à travers toute l’Europe : Olaf fuit les fjords d’Europe du nord, Paula quitte Venise avec ses deux enfants pour soigner son cadet gravement malade, Mélanie s’efforce de créer un lieu d’accueil pour les animaux dans sa ferme en France, Fernando quitte sa maison familiale de Séville pour rejoindre les boutefeux, sa mère Mercedes part avec le père Garcia pour rejoindre le Vatican, et enfin Pradeesh habite à l’abri dans l’enclave de Davos, en Suisse, et travaille sur un programme génétique pouvant améliorer la longévité humaine. A travers toutes ces trajectoires, autant géographiques que psychologiques, l’auteur nous fait faire le tour d’une Europe dévastée où les humains s’organisent un peu comme ils peuvent, se regroupent en petites communautés ou se détruisent les uns les autres.

Le livre fait beaucoup penser à une histoire de zombies sans zombies mais comme on le sait tous, dans The Walking Dead les zombies sont complètement accessoires, c’est l’humain qui est le sujet, la survie, l’entraide, la connerie, la cruauté. Ici c’est pareil. Oh, il y a bien quelques Mangemorts, ces humains devenus cannibales, ou les boutefeux, bandes de tarés drogués qui ne pensent qu’à détruire et brûler toutes les villes qu’ils croisent, mais les principaux dangers sont la chaleur, les tempêtes, et surtout les autres gens. Quelques passages sur la routes évoquent Mad Max également, mais là où la saga de Miller est toujours restée plus ou moins évasive sur les causes de l’état du monde, Ligny détaille tous les phénomènes climatiques qu’on croise, décrit en détail la végétation, le climat, les maladies, et nous dresse vraiment un portrait réaliste et précis d’une Europe post-réchauffement climatique. Ça fout les boules quand même…

Dans tout ça, nos personnages vont évidemment se croiser et converger pour construire une intrigue globale qui se tient, mais avant ça, chacun a son petit parcours personnel très différent et intéressant, on s’attache à eux et on découvre cette Terre de chaque point de vue. La partie concernant Pradeesh le généticien, dans l’enclave, plus scientifique, plus froide, plus molle, m’a moins convaincu que les autres personnages. Pourtant c’est une lecture vraiment plaisante dans son ensemble, une œuvre post-apo qui ne se sert ni de guerre nucléaire ni d’attaque de zombies pour justifier son apocalypse, il lui a suffit de poursuivre et d’extrapoler logiquement l’activité humaine et les prévisions scientifiques actuelles et coller des personnages dans tout ça (bon, j’suis pas un expert non plus, si ça se trouve il dit plein de conneries, mais on s’en fout).

On se retrouve avec une aventure cruelle, vraiment cool à lire, même si certains thèmes et leurs traitements sont classiques, si les « méchants » sont un peu trop binaires, c’est la cohérence générale et l’aspect « proche de nous » qui rend la lecture prenante. Je trouve aussi le livre très pessimiste quant à la nature humaine, les conditions particulières ont l’air de transformer une grosse majorité de la population en connards à moitié fous. A l’exception des héros (et encore), tout le monde à l’air de vouloir s’étriper avec les dents dans ce bouquin, seul point qui me parait peu crédible dans la description de cet avenir mais je suis un éternel optimiste !

Exodes est un bon livre d’anticipation écologique qui extrapole le réchauffement climatique et construit son monde là-dessus, nous fait visiter une Europe dévastée et quasiment invivable pour nous parler de ses survivants. Passionnant et effrayant à lire malgré quelques petites déceptions, si vous cherchez à savoir à quoi ressemblera notre monde si on continue à jouer aux cons, lisez ce roman.

Lire aussi l’avis de : Laurent Leleu (Bifrost), Tigger Lilly (le dragon galactique), Guillaume Casabianca (ActuSF), Gromovar (Quoi de neuf sur mal pile ?), Julien (Naufragés Volontaires)

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